l'incroyable histoire d'un voilier à 1€ (Partie 1)

L'histoire incroyable d'un voilier à 1 €

Partie 1 : des rêves aux réalités !

Du rêve à la réalité il n'y a souvent qu'un pas et surtout un coup de pouce du destin. J'ai toujours rêvé de trouver un voilier abandonné et de lui redonner une seconde vie. Le restaurer et surtout partir explorer le monde à son bord. A l'été 2020 mon rêve se réalisa !

Dans le sud de la France, il existe un lieu important dans le milieu de la plaisance : Port Saint Louis du Rhône situé aux portes de la Camargue, coincé entre le bassin industriel de Fos-sur-Mer et le parc régional de Camargue. Mais Port-Saint-Louis du Rhône est également connu pour ses huîtres et aussi pour être le plus grand port à sec d'Europe. Car oui, ici il y a beaucoup de bateaux à tel point qu'en hiver il y a quasiment plus de bateaux que d'habitants!

Je connais ce lieu depuis plus de 10 ans et c'est ici que j'avais acheté et préparé mon ancien voilier Canquin. J'ai eu le plaisir de faire un grand voyage en solitaire qui s'étala sur 3 ans : 2017 : Traversée de la Méditerranée (2 mois), 2018 : Canaries (3 mois), 2019 : Antilles (6 mois). Après être rentrée en France, ma compagne, Stéphanie, me fait savoir qu'elle aussi veut partir en voyage en voilier. S'en suivent de grandes discussions et l'élaboration d'un projet sans retour en France. Mais il nous faut trouver et acheter un nouveau bateau. Mon bon vieux Canquin est un voilier de course des années 70, un prototype dessiné par le célèbre architecte naval Ron Holland. Canquin, même s'il est extrêmement solide, est trop petit et trop spartiate pour envisager un grand voyage et de longues années de vie à bord.

Nous faisons le tour du marché et listons plusieurs modèles, tous d'environ 12,80 mètres. Notre budget est plus que serré, mais nous n'avons pas peur de relever des défis !

Fatal COVID !

Le printemps 2020 arrive et au lieu de repartir chercher Canquin aux Antilles et de faire une transat retour vers l'Europe, le premier confinement arrive. Je me retrouve à faire du canapé plutôt que du bateau. Après 10 jours à déprimer, j'essaie de voir les choses positivement et de finir de construire notre projet. Le confinement se passe, puis après la "libération" comme tout le monde je comprends que le monde va changer durant une durée indéterminée. Mais côté « boulot », les choses se compliquent un peu et mon chiffre d'affaires plonge. Il va être impossible de tenir nos objectifs pour l'achat de notre futur voilier.

Un jour de juin 2020, nous nous promenons sur le port de La Londe-les-Maures, à refaire différents scénarios financiers et différents plannings, mais nous sommes un peu dans l'impasse. Il va nous falloir du temps pour que je me remette en selle financièrement. Canquin est bloqué aux Antilles, la saison cyclonique a commencé. Il est donc impossible d'aller le chercher avant l'année suivante. Pas de contrat photos avant je ne sais pas quand, bref ce n'est pas la joie !

Nous sommes sur le point de laisser tomber notre projet à court terme et le reporter pour une date inconnue. Et c'est là que le téléphone sonne, je décroche, c'est mon ami Benoit (un saint homme !), il ne me dit même pas bonjour et me dit juste : "Je t'ai trouvé un voilier".

Je reste sans voix et demande plus de détails. La société Navy Service à Port-Saint-Louis du Rhône va agrandir son parc de stockage à terre et pour cela ils ont fait du tri dans l'ancien parc. Beaucoup de bateaux sont malheureusement laissés à l'abandon car les propriétaires ne peuvent plus s'en occuper. Ces bateaux sont destinés à être démantelés et détruits. Parmi tous ces voiliers en ruine il y a « Trilogie », un Centurion 42 du chantier Wauquiez. Lui aussi, une fois la saisie prononcée, sera détruit. Ce sont les grutiers de Navy Service qui ont contacté Benoît pour lui demander s'il connaissait quelqu'un…

Dès le lendemain, je fais le trajet depuis La Ciotat jusqu'à Port-Saint-Louis pour jeter un coup

d’œil à ce bel oiseau. Très rapidement, les choses sont claires. La quille du bateau est cassée, le moteur doit être foutu, et il y a une montagne de travail pour remettre à l'eau ce bateau. Stéphanie participe à la visite en Visio, et pour elle les choses sont claires, c'est une chance incroyable : il faut pouvoir récupérer ce voilier.

Le lundi matin, je rencontre le directeur de Navy Service pour parler avec lui de l'acquisition du bateau. Il m'explique que le voilier n'est pas encore saisi et qu'il n'arrive plus à rentrer en contact avec le propriétaire. Il me confie un numéro de téléphone et un nom. Il ne me faudra que quelques jours pour rentrer en contact non pas avec le propriétaire, mais sa famille, la transaction s'annonce compliquée.

Durant les semaines suivantes, je travaille beaucoup pour savoir comment je vais bien pouvoir changer une quille de plus de 4 tonnes sur un voilier. Je parle au téléphone avec des spécialistes en France, en Angleterre, en Italie et en Espagne pour finalement comprendre que changer une quille coûte très cher ! J'ai même l'occasion d'échanger directement avec le chantier WAUQUIEZ pour essayer de trouver des solutions à notre futur problème de quille.

Avec Stéphanie, nous tentons de comprendre pourquoi cette quille est dans cet état, car il n'y a pas de chocs visibles et le fond du bateau est en parfait état. Nous comprendrons bien plus tard pourquoi la quille est cassée. À ce stade, beaucoup de questions restent sans réponses, mais nous y croyons et sommes bien entourés avec Benoît et Serge son papa.

3 semaines se sont écoulées depuis mon premier contact avec la famille du propriétaire, puis un après-midi le téléphone sonne, c'est le propriétaire, nous échangeons quelques minutes, c'est un homme charmant qui aimait son bateau mais qui malheureusement ne pouvait plus s'en occuper. À la fin de notre conversation, il me donne son accord pour une transaction à 1 euro symbolique pour l'acquisition de « Trilogie ». Nous nous rencontrons quelques jours après pour signer l'acte de vente. Ce fut un moment très dur moralement pour nous tous. Il était venu pour signer un acte de vente, mais aussi dire au revoir à son bateau, récupérer quelques souvenirs et nous serrer la main.

C'est une période qui a été très compliquée à gérer émotionnellement, me disant que mon rêve se réalisait grâce à la déception d'une autre personne. Il m'a fallu beaucoup de temps pour passer outre et depuis ce jour, j'ai senti sur mes épaules une responsabilité, l'obligation de réussir ce projet, de redonner vie à ce voilier à terre depuis plus de 15 ans. Ce n'est pas une histoire d'orgueil, mais de respect pour cet homme qui m'a permis de réaliser un rêve.

La vie m'a encore donnée une merveilleuse leçon : un rêve se réalise avec du travail, du courage et des larmes, larmes qui ne sont pas toujours les vôtres.