l'incroyable histoire d'un voilier à 1€. (partie 3)

Après avoir fait l'acquisition d'ORIYO il va falloir maintenant le remettre en état de naviguer et le préparer pour un long voyage. Il y a beaucoup de travail sur Oriyo et nous essayons de nous organiser au mieux afin de gagner du temps. Il est important de fixer des objectifs réalisables afin de garder un tempo dans le dur et long travail qui nous attend. Nous décidons de partir durant l'année 2022, mais nous ne fixons pas de mois précisément, l'objectif étant de sortir de Méditerranée avant la fin de l'année 2022. Avant cela il nous faudra mettre le bateau à l'eau, le tester, tout vérifier et enfin partir. Pour respecter ce planning très serré il nous faudra aller à l'essentiel. Le risque de ce genre de projet est de s'enliser dans la restauration du bateau, ne plus en voir le bout et finir par se décourager.

A Port Saint- Louis du Rhône il y des bateaux et des projets qui sont en cours de préparation depuis plus de 15 ans. On achète un bateau, on rêve de tour du monde, de grande navigation dans les alizés, puis la réalité s'en mêle... Il y a le boulot, les enfants, la maison qu'il faut entretenir... et tout cela coûte très cher en plus ! Pour notre projet j'ai planifié, me concernant, un sprint de 2 ans pour préparer ce voyage. Nous ne ferons que l'indispensable à la navigation et la vie en mer. Le reste sera superflu et sera fait plus tard. Nous ne ferons pas de cosmétique important sur le bateau, pas de gadgets électroniques qui coûtent cher et sont compliqués à installer.

Nous sommes à l'été 2020 , le planning et le cahier des dépenses sont fixés. Il nous reste à organiser le chantier et pour cela Navy- Service nous sera d'une aide incroyable ! Oriyo est changé de place pour être installé là où il passera les deux prochaines années. Nous aurons de la place pour travailler, de l'eau et de l'électricité. Côté sécurité le bateau est installé sous de puissants éclairages et des caméras de surveillance. Nous avons également un endroit pour stationner nos véhicules sur place.

Navy- service autorise la vie à bord sous certaines conditions et cela va m'être d'une grande utilité ! Je décide rapidement d'emménager à bord du bateau qui est à terre afin d'être sur place. Les distractions sont rares à Port Saint- Louis du Rhône... Je serai donc concentré sur les travaux. Vivre à terre sur un voilier n'est vraiment pas agréable surtout dans une région comme la Camargue où les moustiques sont présents presque toute l'année...

Mais le plus problématique c'est qu'Oriyo n'est pour le moment absolument pas habitable ! Il va falloir le nettoyer et cela va mettre beaucoup de temps ! Un mois et demi exactement ! Après avoir vidé le bateau et réalisé un inventaire rapide de ce qu'il y a à bord nous faisons le tri de ce que nous gardons et ce que nous jetons. Nous frottons Oriyo à l'intérieur comme à l'extérieur et nous découvrons un bateau dans un très bon état général. Mi-Août je passe ma première nuit à bord mais il y a encore du travail pour rendre Oriyo habitable à terre. Durant l'automne 2020 et ses confinements je change toute la plomberie et y apporte des modifications, je répare l'électricité et commence à mieux m'installer à bord.

Après déjà quelques mois un quotidien s'installe sur le chantier qui progressivement devient mon « chez- moi ». Nous démâtons le bateau, retirons la quille, démontons le safran... Oriyo est passé à la loupe pour une grande visite de toute sa structure et de ses différents systèmes. Je suis guidé par mes amis professionnels sur place qui m'apportent beaucoup de connaissances. J'ai la chance d'avoir autour de moi des artisans qui ont des années d'expérience. Benoît qui nous avait trouvé le bateau me propose même de travailler avec lui pour l'aider sur différents chantiers. Je vais non seulement préparer Oriyo mais également participer à la préparation d'autres voiliers en partance pour des tours du monde.

Il est parfois stressant de voir son bateau à terre sans mât, sans quille, sans safran, avec à l'intérieur un moteur cassé.... Mais cela me donne encore plus de courage et de détermination. De plus je ne suis pas le seul à préparer un voilier pour un grand voyage. Navy- Service est le plus grand port à sec d'Europe et il existe ici une petite communauté de voyageurs immobiles qui travaillent de manière acharnée sur leurs voiliers afin de réaliser leurs rêves de voyage et d'aventure en mer. Toute cette ambiance donne une atmosphère positive. je travaille tous les jours sur le bateau, que ce soit 20 minutes ou 15 heures. Entre midi et deux pendant la pause- déjeuner je fais des recherches sur internet afin de solutionner des problématiques concernant les futurs équipements d'Oriyo. Je passe même beaucoup de temps à chercher des solutions pour chiner des équipements. Le soir en rentrant du travail idem, je travaille une heure ou deux.

Le temps passe, les problèmes s'accumulent, les solutions se trouvent et Oriyo avance pas à pas vers la darse de mise à l'eau. La mise à l'eau... voilà un lieu qui devient sujet de toutes les convoitises ! Pendant que vous, vous travaillez sur votre voilier, certains, eux, finissent leur chantier et mettent à l'eau leur bateau. De la joie, des pleurs et de l'émotion, voilà ce que l'on peut observer tous les jours à Navy- Service. Mais vous, vous rester là à- terre à regarder votre bel oiseau des mers poser sur ses bers. Lorsque vous êtes à Port Saint- Louis du Rhône vous ne voyez pas la mer et pourtant il y a un port ! Ce port est relié à la mer par un long chenal de 2 milles nautiques. Et le fait de ne pas voir la mer est une sorte de déconnexion de votre future réalité de navigateur. Le chantier, la mise à l'eau, le chenal, la mer, le large... Voilà les différents sasses qu'il faut franchir pour s'évader du tumulte de nos vies occidentales, pour partir là- bas où tout est à écrire.

Mais revenons sur notre chantier et surtout, surtout gardons la tête froide ! J'ai toujours été un rêveur mais avec les pieds sur terre ! Et justement actuellement je suis sur terre même si le but est d'aller en mer... L'année 2020 se termine, 2021 commence et la construction de notre quille avance bien. C'est long, fatiguant mais c'est aussi le plus gros travail que nous avons à réaliser sur ce chantier. Mais nous ne pouvons pas juste nous occuper de la quille car il y a d'autres domaines dont il faut se soucier. Fin 2021 la quille n'est toujours pas finie mais nous décidons de faire une bonne pause pour les fêtes de fin d'année.

Janvier 2022, c'est cette année que nous devons mettre Oriyo à l'eau. Nous finissons la quille début janvier mais elle ne sera remise en place que début mars. Les semaines défilent maintenant très rapidement, Stéphanie et moi avons terminé nos contrats de travail et sommes maintenant à temps plein sur la préparation d' Oriyo. Nous vivons des moments intenses de travail et de satisfaction de voir ce bel oiseau des mers reprendre forme petit à petit. Nous avons une énergie débordante et réalisons régulièrement des journées de 17 ou 18 heures. Quille et safran sont remis à leur place le même jour, le moteur et le mât idem. Tout a été vérifié, inspecté, ce qui devait être changé l'a été. Malgré notre budget très limite nous parvenons à trouver des solutions pour chaque poste. Mon côté minimaliste aide également à faire des économies. Nous faisons beaucoup de bonnes affaires en achetant certaines pièces d'occasion, mais je ne lésine pas sur les dépenses pour tout ce qui est hautement stratégique et sécuritaire, notamment concernant le pilote automatique, le moteur, les voiles, les cordages...

C'est relativement rare, pour des amateurs, de finir un tel chantier dans les temps et sans dépassement de budget. Il nous manque des équipements mais rien de vital et nous finirons certaines choses en route.

Nous y sommes... Juillet 2022, après des mois de travail acharné nous sommes à la veille de la mise à l'eau. Mais aucune euphorie, aucun débordement de joie. Nous devons restés concentrés et d'abord tester Oriyo avant de crier victoire. Pour moi la mise à l'eau d'un voilier après un si gros chantier n'est pas un moment dénué de stress... Mais tout se passera bien et c'est un sans-faute pour nous. Une première victoire sur le chemin du grand départ. A suivre...